Je sais très bien qu'un jour, quand il aura grandi, comme le fait l'empereur, le Mistouflon me posera des questions sur le mutisme de son frère, sur ces gestes qui parfois partent dans tous les sens, sur ces sons très forts qui sortent de sa bouche parfois plutôt que de mots.
Pour le moment, il s'en moque bien pas mal. Les petits cris de son frère par exemple, il les imite et ça l'amuse beaucoup. Il lui parle souvent même si il sait qu'il n'aura aucune réponse. Entre eux l'intéraction est différente et pourtant ces deux là ne s'arrêtent jamais. Ca passe par des gestes, des regards, des sourires, des courses à en perdre haleine, des tentatives de bisous, de câlins, des jeux...
Le Mistouflon n'a absolument pas conscience du handicap de son frère et ça fait du bien parce que c'est tellement ce que nous attendons des autres nous parents, des adultes surtout. Bien sur nous savons qu'ils ne peuvent pas l'éluder, et ce n'est pas ce que nous souhaitons, ça fait parti de lui c'est sur. Mais si, à l'école notamment on pouvait voir l'enfant qu'il est avant de voir son handicap qu'est ce que ce serait bien.
Sans demander aux gens de se mettre des oeillères et de faire comme si tout était "normal", si ils pouvaient penser j'ai en face de moi un enfant de 5 ans , avec ses joies , ses peurs, ses angoisses, son caractère, ce serait déjà un grand pas, non un immense en fait vers plus de tolérance.
Les enfants justement qui deviennent durs entre eux parfois en grandissant il est vrai, sont eux dans cette démarche là et je suis toujours étonnée, agréablement surprise de l'accueil qu'il réserve à mon fils, que ce soit à l' extérieur de la cour de l'école quand on les croise, ou comme ces petits garçons qui veulent faire du vélo avec lui, cette petite fille qui lui tient souvent son cartable pendant la récréation.Sans doute ont ils compris que Jajaja ne fonctionnait pas vraiment comme eux mais ils estiment que là n'est pas l'important, on peut faire les choses autrement, en passant au dessus de tout ce qui les différencie.
Et je peux pas croire que c'est une question d'âge, que quand on est grand c'est trop tard, c'est râpé, on ne peut plus ouvrir son esprit et s'ouvrir à la différence. C'est pourtant l'impression que j'ai chaque jour en allant le rechercher à l'école, ou les mots sont blessant, durs parfois, ou je me demande vraiment si on me parle d'un enfant en Grande Section ou d'un futur bachelier. Ou on me dit des choses sur lui, devant lui, comme si il ne comprenait pas. Moi à sa place je serai furax, et triste aussi...
Heureusement, il y a la maitresse du Jeudi, encore elle oui, avec qui quand on parle on sait qu'on parle d'un enfant, de ses progrès, de son avenir, avec elle, le futur de Jajaja ne s'est pas arrêté en petite section.
Et de retour à la maison, la foire recommence et mes deux petits derniers sont toujours ravis de se retrouver, de rire, de s'amuser, sans se soucier du reste, sans parler mais en se comprenant toujours, et mon coeur explose à chaque fois.
Leur lien ne va pas au delà de la différence de Jajaja, juste au delà des différences qui font d'eux des êtres singuliers et uniques avec tout ce qui les compose et fait de tous les deux mes fils uniques à leur façon.
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