J'ai confié beaucoup de choses sur Jajaja depuis que je parle de lui sur ce blog et je ne l'ai jamais regretté. J'ai toujours eu la sensation d'avoir en face de moi des gens bienveillants, compréhensifs, dont certains ont fini par porter un autre regard sur l'autisme, et j'imagine aussi plein d'autres que ça gêne, qui trouve ça impudique.
Je suis pourtant loin de tout raconter. Ce n'est pas parce que mon fils est atteint d'autisme que je livre tout de ce qui fait sa vie et la nôtre. Je crois que ça n'intéresserai que nous, que ce serait trop livrer de son intimité, alors je préfère garder tout ça pour moi.
Ce que je partage, ce que j'écris, ce que je confie, c'est je crois ce que beaucoup de parents atteint d'autisme, voir porteur d'un handicap tout a fait différent vivent : Le diagnostic, les examens, l'école, l'inclusion, les prises en charge...
Jajaja est pourtant, penseront certaines personnes, et de loin, l'enfant le plus calme de la maison tout en ayant parfois des réactions imprévisibles, mais il ne crie pas, ne tape pas, est un des plus autonomes, celui qui a le plus besoin de nous aussi parce qu'il ne parle pas mais il est plus que facile à vivre. Le lever, le coucher, devoir se préparer, se brosser les dents, aller aux toilettes, se laver, se promener, faire du vélo, rien ne pourrait laisser penser ou presque qu'il est atteint d'autisme lorsqu'on le croise, son regard un peu perdu peut être, mais c'est parce que moi je le sais sûrement.
Ce qui le différencie de ses frères, qui fait qu'on ne peut pas par exemple aller au restaurant, c'est l'alimentation, c'est vraiment son talon d'Achille, comme de nombreuses personnes atteintes d'autisme.
A 18 mois, lui qui mangeait bien, a commencé à refuser tout ce qu'on lui présentait, n'acceptant plus en particulier les morceaux, plus les fruits, plus les légumes. Lui qu'on avait diagnostiqué quasiment obèse lorsqu'il était plus petit, a arrêté de s'alimenter normalement.
Depuis les repas sont un vrai casse tête et il n'accepte plus de manger que certains aliments et aucun autre. Ses divers repas se résument par des yaourts, des tucs, des pains au lait et des Kinder Maxi. Et il ne mange pas seul, je parle uniquement des yaourts.
Il n'y a pas d'affaire de caprices là dedans, de parents qui baissent les bras, de gens qui ne tentent rien. On a tout essayé, peut être pas tout mais beaucoup, et rien n'a jamais marché. et Dieu sait si pourtant on a eu je crois une imagination absolument débordante et jamais on aurait pensé qu'un jour on aurait à faire tout ça.
C'est un des gros points sur lequel un travail est fait à l'IME
Ce que j'ai découvert c'est que beaucoup de personnes atteintes d'autisme, verbal comme non verbal, Asperger ou autre, car l'autisme n'est pas un mais multiple, sont atteintes de troubles alimentaires et c'est une lutte quotidienne que mène beaucoup de parents pour arriver à faire manger leurs enfants. Je confirme que pour nous c'est quelque chose de vraiment difficile à vivre et pour de nombreux autres parents j'en suis sûre
C'est pour cette raison que j'ai eu envie de vous parler d'un livre que j'ai reçu la semaine dernière. Ce livre, Je cuisine un jour bleu, provient de la rencontre entre Josef Schovanec que vous connaissez peut être, philosophe et écrivain, lui même autiste Asperger et Claude Carat, grand gastronome alors que le premier a partagé avec le second les difficultés des parents d'enfants autistes face aux spécificités et difficultés alimentaires de leurs enfants.
Et c'est ainsi qu'est né ce livre, de recettes et de témoignages, de parents d'enfants autistes et d'adultes autistes également, dont chaque recette présente dans le livre, a été réalisé par un grand chef.
Et nous voilà face à 60 recettes qui misent tout sur la forme, la couleur, la texture, le mode de cuisson, le gout...Des recettes faciles, souvent inventées en famille, et qui répondent au mieux aux particularités sensorielles de chacun. Qu'ils n'aiment que ce qui est vert, ce qui est trop salé, rond, mixé, on constate à travers tout le livre le potentiel de création de chacun de ses parents.
60 recettes donc, salé ou sucré, avec à chaque fois, la liste des ingrédients, la recette expliquée, en détail, et ensuite le témoignage de celui ou celle qui a inventé cette recette, qui parle de son enfant, ou de sa propre expérience. Des histoires émouvantes, drôles, des recherches, un casse tête parfois,mais pour quel résultat ! Voir manger son enfant !
Comme je l'imaginais avant même de le feuilleter, ce livre m'a beaucoup touché, émue, fait sourire, parce que c'est un livre ou les regards sont posés avec tendresse sur ses enfants et leur famille, avec humour parce que nous ne devons jamais en manquer,
Et me fait dire qu'en cuisine aussi, nous parents d'enfants atteint d'autisme sont amenés à toujours tout réinventer.
Merci à Armand, Corentin, Camille, Aurelie, Marine, et tous les autres, ainsi qu'à leurs parents d'avoir partager tout ça, à Claude carat, aux chefs Guillaume Gomez et Michel Roth,à Joseph Schovanec que j'aime tellement depuis si longtemps et que je rêve de rencontrer après avoir passé de longues heures à l'écouter, et aux éditions Terre Vivante qui ont pris le pari d'éditer ce livre extraordinaire.
Un voyage gastronomique et humain en Autistan avec vraiment je le répète, en plus, des supers recettes.
Les droits d'auteurs recueillis grâce à la vente de ce livre seront reversés à des associations reconnues pour leur engagement pour les droits des personnes autistes.
Je cuisine un jour bleu, Josef Schovanec et Claude Carat, Editions Terre Vivante, 21 euros
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