Voilà une semaine jour pour jour, presque heure pour heure que j'ai raccroché ton petit cartable au porte manteau de ta chambre. Un petit cartable avec presque rien dedans, un change dont même l'année dernière tu n'as pas eu une seule fois besoin, un dessin avec quelques gomettes et un petit papier donné par les parents d'élèves.
Quatre demies journées, c'est le temps que tu as pu passer à l'école depuis ta rentrée, 12 heures exactement et puis s'en va.
S'en va ton AVS d'abord, ton guide, pas par surprise, pas en n'ayant prévenu personne, une grossesse ce n'est pas comme une grippe. Mais personne bizarrement à part nous n'avions anticipé. Il s'avère en fait qu'une AVS en maladie n'est soi disant pas remplacé.
Comme ça nous a fait l'effet d'un coup de massue je dois t'avouer qu'on a tout envisager, même les scénarios les plus fous en imaginant que l'école l'avait peut être fait exprès et puis on s'est ravisé, on s'est dit que quand même personne ne serait capable de faire une choses pareille.
Je n'en suis plus si certaine depuis qu'hier j'ai eu une légère altercation avec un voisin, tu sais celui dont la moto te fascine. Tu as effleuré son rétroviseur et c'est tout juste si il ne me disait pas que dans 10 ans tu seras un délinquant. J'ai voulu lui expliquer que tu n'étais pas tout à fait comme tout le monde, mais sa réponse m'a glacé le sang. Et là, tout Bisounours que je suis, j'ai vu, j'ai compris que le handicap n'était pas une chose que tout le monde comprend ou que tout le monde accepte.
J'ai déjà de la peine que tu ne puisse plus partir avec ton frère le matin, sac sur le dos, alors je me serai bien passé de cette malheureuse rencontre.
Je n'ose plus t'emmener te promener vers ton école, te voir tendre la main vers le portail de la cour de récréation, et même le week end d'essayer d'en ouvrir la porte. J'ai beau essayé de t'expliquer, je ne suis pas sure de trouver les bons mots, les plus justes, ceux qui pourraient te rassurer et moi avec, en ayant une date de retour à l'école, le prénom d'une nouvelle AVS, n'importe quoi qui nous rapproche un peu plus de cette mappemonde que tu aimes tant dans ta salle de classe.
Ton père trouve que mon discours se radicalise, que d'un cas particulier je fais une cause nationale et je dois dire qu'il n'a pas tort. Tu es loin d'être le seul à ne pas pouvoir à l'école, sans trop savoir pourquoi, souvent pas par manque de moyen, pas par manque de personnel, juste par manque d'humanité peut être. J'ai trop lu de témoignages en cette rentrée qui vont dans ce sens et ça me révolte oui. Je ne pense pas qu'à toi mais à tous ces enfants privés d'une chose aussi évidente que l'école et auquel chaque petit citoyen a droit.
Je n'ai pour autant paradoxalement perdu foi en l'école publique et l'éducation nationale. Utopiste un jour, utopiste toujours dirait ton père.
Pour nous tu es notre enfant et c'est injuste que tu n'ailles plus à l'école, mais pour le système tu es juste un enfant handicapé de plus déscolarisé et ça je ne peux pas l'accepter.
Alors on écrit, on téléphone, on envoie des mails, et puis on redonne des coups de fil en essayant de garder le cap, Parce qu'on sait qu'on fait tout ça pour toi. Parce ça te rend heureux d'aller à l'école, parce que tu en as besoin, parce que tu en as le droit, on veut te voir toi aussi user tes fonds de pantalons sur les bancs de la Grande Section.
Je craque un peu mais jamais devant toi. Heureusement ton papa est là pour me dire comme à une enfant " bah il faut pas pleurer". A deux c'est toujours plus facile de faire bloc, de faire face.
Il y a toujours des gens formidables qui arrive à effacer toute la médiocrité du système comme la responsable de la halte jeux qui me propose de t'accueillir à nouveau. Quand elle m'a dit ça hier après l'épisode de la moto, j'aurai pu lui sauter dans les bras et lui dire que ce sont des gens comme elle qui me font croire en l'humain. Des gens comme beaucoup d'entre vous aussi qui ne me lâchent pas, m'aident, le conseille, ici, ailleurs, par mail. Même la directrice de l'école plaide en ta faveur, comment ne pas y croire alors.
J'essaie de te faire garder un contact avec l'apprentissage de choses diverses et variées, même si c'est fait à ma manière, sûrement pas si bien que ça, en se servant de nos ballades, de la nature, des choses qui nous entourent au quotidien. Pas sure que ça ressemble à ce que tu as fait ou feras a l'école. Je trouve que tu tournes déjà beaucoup en rond et retombe dans certains travers depuis quelques jours alors je ne te laisserai pas tomber.
Je préfère ne pas te dire que tu décrocheras bientôt ton cartable de la ou il est parce que ni ton père, ni moi, pas même le référent de la MDPH n'a d'informations sûres à ce sujet.
Bientôt j'espère, avant les vacances si possibles. Et en récupérant les trois heures perdues à la rentrée soyons fous !
Je sais que ça ne sera pas facile, qu'il faudra que tu fasses équipe avec une nouvelle AVS, avoir confiance en elle et trouver vos automatismes mais j'ai confiance en toi.
Tu as des ressources en toi que personne ne soupçonne mais nous on les voit, elles nous sautent aux yeux, gros comme le monde.
En espérant qu'un jour tout le monde les verra aussi.
Tout bêtement je t'aime...
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